La nécessité de cultiver son pouvoir d’imagination

À la différence de penser, se laisser porter par son imagination est naturel. Souvent associé au monde de l’enfance, le processus créatif de projection mentale est indispensable au progrès de la société et à l’innovation. À l’ère du surbooking permanent, cette faculté innée de l’esprit semble reléguée au second plan. Mais quel est le rôle de l’imagination ? De quoi a besoin l’imaginaire pour s’épanouir ? 

L’imagination est un moyen de se construire plus qu’un divertissement

Les enfants ont naturellement beaucoup d’imagination puisque depuis leur naissance, ils vont de découvertes en découvertes. Ils appréhendent le monde doucement en mettant en lien l’éventail de choses qui se présentent à eux. Le bébé apprend à connaître ses parents, son environnement, la nature, les êtres vivants, les objets, etc. 

Christine Mathieu indique que l’imaginaire s’exprime plus à partir de 2 ans ½ avec le jeu de faire semblant. La psychomotricienne explique qu’en faisant comme si, l’enfant réinvente les expériences qu’il a vécues d’une façon différente. Ce jeu de fiction a un rôle autoéducatif. En effet, c’est une manière « de comprendre le monde et de participer à l’élaboration de sa pensée et à la construction de sa personnalité ». 

Même si le jeu prend l’apparence d’un divertissement, il a plutôt une fonction de construction de soi et il est important de laisser à l’enfant du temps pour jouer seul, sans directives.

Les enfants hypersensibles ont une imagination débordante : l’hyperstimulabilité

Selon Jade Ann Rivera, « Dans notre société, nous assimilons l’imagination à un outil pour le jeu — un facteur de plaisir et d’évasion — et c’est souvent juste. » Cependant, pour certains enfants hypersensibles ou surdoués, la quantité d’informations sensorielles et si grande, que ceux-ci sont aux prises de hyperstimulabilité imaginative : une imagination débordante. Dans ce cas, une prise en charge par un professionnel permet d’aider l’enfant à gérer ce trop-plein d’imagination qui les fait douter de ce qui est imaginaire ou bien réel. 

L’imagination se manifeste dans le temps d’attente de la satisfaction d’un besoin, par survie

Elisabeth Brami rappelle que le bébé a déjà une faculté d’imagination. Le temps d’attente entre le moment où la faim se fait sentir et le moment où il prend son biberon par exemple le pousse à imaginer pour transposer cet inconfort créé par l’insatisfaction du besoin. Il s’agit du processus d’imagination mis en avant par Donald Winnicott avant les années 80. D’ailleurs, ajoute-t-elle, pour Aristote, c’est une question de survie, un garde fou qui protège la raison contre elle-même.

L’imagination aurait donc besoin de temps pour s’épanouir

Les enfants auraient donc besoin de s’ennuyer pour cultiver l’imagination, mais aussi de frustration. Que penser d’une époque à laquelle nous avons tout tout de suite, voire avant même d’en avoir ressenti le besoin ?! Si s’ennuyer favorise le processus imaginaire, cela remet en question le fait de toujours vouloir combler le temps libre par des activités, des informations, des obligations et des jeux en tout genre.

Les artistes et les créateurs quant à eux sont animés par une frustration qui anime leur imagination de laquelle découle la création de situations, de modes de vie ou d’objets, visant à combler ces besoins non satisfaits. « L’élan créateur naît en général d’une insatisfaction. », Pascale Senk. Ils savent écouter leur rythme et respecter le temps de latence, cette traversée du désert, afin de laisser de nouvelles informations nourrir leur imaginaire.

Le rôle de la récréation dans la construction de soi

La ré-création porte la notion de se se re-créer, se créer à nouveau. De « la cour de récréation » émane l’idée d’un temps spatial et temporel  réservé à un retour à soi pour l’enfant, afin de lui permettre d’intégrer sa nouvelle constitution. Laquelle évolue grâce aux nouveaux apprentissages et découvertes de chaque demi-journée. La re-création exprime la nécessité d’un temps d’intériorisation pour digérer et se remodeler, prendre contact avec l’être qui se façonne. Un peu comme une construction de soi permanente. L’imagination nous fait donc grandir !

Cultiver l’imagination pour faire évoluer la société

L’homme vit en société et dans sa recherche d’harmonie, la créativité assure l’équilibre de sa transformation incessante. L’édifice d’infrastructures nouvelles ou la gestion de différents secteurs d’activités demande une remise en question. On fait appel au pouvoir d’imagination des petits et des grands pour relever les nombreux défis…

Cultiver l’imaginaire devient même une urgence actuelle afin de redonner vie à un système qui s’essouffle. Et pour ça il devient impératif de s’accorder du temps pour ne rien faire. C’est ainsi que naissent les mondes imaginaires ayant inspiré tant d’innovations : « On a marché sur la lune », « Vingt mille lieux sous les mers », etc.

Redonner une place positive à l’imaginaire pour cultiver l’imagination créatrice

Elisabeth Brami nous explique que si nous voyons d’un mauvais œil le temps à « ne rien faire », cela remonte à une vison négative de la farniente de longue date. En effet, rêvasser a toujours été vu comme propice à fantasmer et avoir des pensées sexuelles, considérées comme honteuses et malsaines. L’expression « l’oisiveté est la mère de tous les vices » y prend sa source en condamnant l’imagination. 

De plus, la société promeut les personnes « actives », « dynamiques » et « travailleuses ». On ne fait pas bonne impression à ne rien faire. D’ailleurs on parle de rêvasser avec une connotation déplaisante en évoquant ce temps pourtant si précieux pour le développement de l’imaginaire.

 Transformer les moments d’ennui en temps de qualité

Il est donc temps de faire l’éloge de la rêverie. Plutôt que de considérer ses moments comme passer du temps à ne rien faire, il s’agit de prendre du temps, s’accorder consciemment des espaces temporels pour digérer ce qu’on a vécu, laisser le temps à l’être de transformer ce qu’il vit en une nouvelle réalité… et accepter ce qui s’exprime.

Car lorsqu’on a du temps comme ça, silencieux ou inactif, focalisé sur les sensations, ses émotions, ses souvenirs et ses rêves, tout ce mélange. Ce melting-pot de vécu s’offre à notre imaginaire, des images se présentent, des idées font surface, des sentiments affluent, on est inspirés, libres mentalement. 

Pratiquer l’oisiveté avec ses enfants pour cultiver l’imaginaire

La vision de l’éducation positive inclut l’acceptation de soi et le non-jugement. Et sachant que l’enfant apprend par mimétisme, ses parents sont un modèle, la première étape pour favoriser le développement de l’imagination de vos enfants, c’est de vous même prendre ce temps d’intégration. Naturellement, ils en feront autant. 

Ces moments de désœuvrement dans la nature ou à la maison incitent aux rêveries. Celles-ci constituent des ressources pour la créativité, les nouvelles idées et les projets réalisables ou utopistes. Peu importe, le but est de stopper votre rythme à 100 à l’heure du quotidien, ranger les appareils connectés et se laisser l’imagination se déployer…

La lecture, la musique, les jeux de société ou balades en forêt sont des moments propices à cet état. … recommande les livres d’histoires à choix multiples par exemple, qui demande d’imaginer et de créer sa propre histoire. 

L’imagination au service de l’innovation en éducation

Innover en éducation, c’est le premier pas. Car, comme le soutien julien Peron, fondateur du Festival pour l’École de la Vie et l’Accadémie Innovation en Éducation, tout part de l’éducation ! C’est pour cela que depuis une vingtaine d’années, il multiplie les projets fédérateurs autour des méthodes éducations. En effet, pour repenser le modèle éducatif, nous avons besoin de s’inspirer de tous les horizons afin d’imaginer ensemble un modèle éducatif évolutif, constructif pensés dans l’intérêt de l’enfant.

Rejoignez le mouvement !

L’Académie Innovation en Education

Le Magazine innovation en Education

Sources

« L’imagination nous fait grandir », émission diffusée sur Radio France Culture
www.radiofrance.fr/franceculture

« Hyperstimulabilité imaginative Comment en faire un atout ?”
www.enfantsprecoces.info

“Les voies de l’imaginaire, de l’enfant à l’adolescent”, Anna Paladino, Manuela Becilli, Sara Dimonte
www.cairn.info

“L’imagination chez l’enfant : son rôle crucial dans le développement cognitif et affectif”, Harris Paul L.
https://journals.openedition.org

« Etre créatif, c’est ajouter de la vie à la vie »
www.psychologies.com